Cycle

L’analyse des séries temporelles est une discipline centrale en Data Science, utilisée dans des domaines variés tels que la finance, l’économie, la météorologie, ou encore la gestion des opérations. Une série temporelle est une séquence de données collectées à intervalles réguliers dans le temps. Afin de modéliser ces séries et d’en tirer des prévisions ou des enseignements, il est courant de les décomposer en plusieurs composantes fondamentales.

On distingue généralement quatre composantes principales :

Si la tendance et la saisonnalité sont souvent bien comprises, la composante cyclique, elle, reste plus abstraite et moins prévisible. Pourtant, elle joue un rôle essentiel, notamment dans l’analyse macroéconomique, financière et industrielle.

Dans cet article, nous explorerons en profondeur la composante cycle des séries temporelles : sa définition, ses caractéristiques, ses différences avec la saisonnalité, ses méthodes de détection et d’analyse, ainsi que ses applications concrètes dans la Data Science.


Définition de la composante cyclique

Qu’est-ce qu’un cycle dans une série temporelle ?

La composante cyclique désigne des fluctuations de long terme autour d’une tendance, qui ne sont ni saisonnières ni aléatoires, et qui résultent souvent de phénomènes économiques ou structurels.

Ces variations sont répétitives, mais pas nécessairement périodiques : elles n’ont pas de durée fixe. On parle ici de cycles économiques, technologiques, démographiques, etc., qui influencent la série à travers des phases d’expansion et de récession.

Par exemple, dans les données du PIB d’un pays, on observe une croissance globale (la tendance), mais aussi des périodes de ralentissement ou de crise (cycle négatif) et de reprise (cycle positif).

Durée des cycles

Contrairement à la saisonnalité (qui est toujours rattachée à une périodicité courte et constante : annuelle, mensuelle…), la durée d’un cycle peut varier :


Cycle vs Saison : faire la distinction

Beaucoup de confusions surviennent entre les termes « cycle » et « saisonnalité ». Pourtant, ces deux composantes sont fondamentalement différentes.

Caractéristique Saisonnalité 📆 Cycle 🔄
Durée Courte (jours, mois, trimestres) Longue (années, décennies)
Périodicité Fixe et régulière Variable, irrégulière
Origine Facteurs naturels ou sociaux Facteurs économiques, structurels
Exemples Hausse des ventes à Noël Récession après une bulle immobilière

Un bon modèle de série temporelle doit prendre en compte cette distinction pour éviter les erreurs d’interprétation ou de prévision.


Origines des cycles

Les cycles ne surgissent pas de manière aléatoire. Ils trouvent leur origine dans des dynamiques systémiques qui influencent le comportement d’un système dans le temps. Voici les principales causes identifiées :

Cycles économiques (Business Cycles)

L’exemple le plus étudié est celui des cycles économiques. Selon la théorie classique, une économie passe par différentes phases :

  1. Expansion : croissance du PIB, réduction du chômage.

  2. Pic : le niveau d’activité atteint un sommet.

  3. Récession : chute de la production, montée du chômage.

  4. Creux : point bas du cycle avant une reprise.

Ces cycles économiques influencent fortement les séries liées à la consommation, à l’investissement ou à l’emploi.

Cycles industriels ou technologiques

Certains secteurs sont soumis à des phases de maturité technologique :

Par exemple, l’industrie du smartphone a connu une croissance explosive dans les années 2010, suivie d’un ralentissement progressif, puis d’une relance avec les modèles pliables ou connectés à l’IA.

Cycles démographiques ou sociaux

Des cycles liés à l’évolution démographique (baby boom, vieillissement de la population) ou à des dynamiques sociales (modes, comportements d’achat) peuvent également influencer certaines séries temporelles.


Représentation mathématique

Une série temporelle $Y_t$ peut être modélisée comme la combinaison de ses composantes :

Modèle additif :

Yt=Tt+Ct+St+εtY_t = T_t + C_t + S_t + \varepsilon_t

Modèle multiplicatif :

Yt=Tt×Ct×St×εtY_t = T_t \times C_t \times S_t \times \varepsilon_t

Le choix entre un modèle additif ou multiplicatif dépend du comportement des amplitudes : constantes (additif) ou proportionnelles à la tendance (multiplicatif).


Méthodes d’identification et d’analyse

Lissage exponentiel

Les techniques de lissage permettent de lisser les données pour faire apparaître des cycles. Le lissage exponentiel double (Holt) ou triple (Holt-Winters) peut aider à isoler la composante cyclique.

Filtres de décomposition

Filtre de Hodrick-Prescott (HP)

Très utilisé en macroéconomie. Il sépare une série en :

Ce filtre minimise une fonction de pénalisation qui équilibre fidélité et régularité de la tendance.

Filtre de Baxter-King ou de Christiano-Fitzgerald

Ce sont des filtres passe-bande qui visent à extraire uniquement certaines fréquences (par exemple, les cycles de 2 à 8 ans), très utiles en analyse cyclique.

Analyse spectrale

L’analyse spectrale permet de décomposer une série en composantes de fréquences différentes. Elle est particulièrement utile pour repérer des cycles non visibles à l’œil nu, en examinant les pics de puissance dans le spectre de Fourier.


Applications concrètes en Data Science

Prévision économique

Les modèles de prévision du PIB, du chômage ou de l’inflation intègrent systématiquement des composantes cycliques. Cela permet de projeter les retournements économiques potentiels et d’anticiper les crises.

Finance : marchés cycliques

Les marchés financiers sont également soumis à des cycles :

L’analyse cyclique est utilisée dans la gestion de portefeuille et le trading algorithmique.

Analyse industrielle

Les ventes d’automobiles, de logements ou les prix de matières premières sont cycliques. Une entreprise qui comprend ses cycles peut mieux gérer ses stocks, sa production et ses investissements.


Défis et limites de la modélisation cyclique

Imprécision des cycles

Les cycles ne sont pas réguliers, ce qui rend leur modélisation complexe :

Risque de confusion avec tendance ou saison

Une erreur fréquente consiste à attribuer un cycle à une saisonnalité ou inversement, ce qui biaisera l’analyse.

Interprétation économique nécessaire

Contrairement aux modèles purement statistiques, l’interprétation des cycles demande une lecture métier ou économique. L’IA ne suffit pas seule : le contexte est essentiel.


Vers une modélisation moderne des cycles

Modèles ARIMA et SARIMA

Les modèles ARIMA permettent d’intégrer des composantes non stationnaires (tendance et cycle). Le modèle SARIMA ajoute des effets saisonniers. Le cycle est capturé via les termes AR (auto-régressifs) et MA (moyenne mobile) sur des lags longs.

Modèles à changement de régime

Les modèles de Markov Switching permettent de passer dynamiquement d’un état « croissance » à un état « récession ». Ce sont des outils puissants pour modéliser les cycles économiques.

Deep Learning

Des modèles RNN, LSTM ou Transformers peuvent apprendre des cycles complexes à partir de longues séries temporelles. Cependant, ils nécessitent de grandes quantités de données et manquent parfois d’interprétabilité.


Conclusion

La composante cyclique d’une série temporelle est une dimension cruciale mais complexe à modéliser. Elle traduit des dynamiques de fond, souvent économiques, qui influencent les données à moyen ou long terme. Contrairement à la saisonnalité, elle est irrégulière, difficile à détecter, mais pourtant incontournable pour comprendre les retournements et les tendances lourdes.

Pour tout data scientist ou analyste travaillant sur des séries longues, il est essentiel de comprendre la nature des cycles, de savoir les identifier, et d’utiliser les outils adaptés pour les analyser et les exploiter.